Réflexions sur l’immigration canadienne

Par : Carrie Catherine

 

« Depuis que j’ai été coupé de la roselière,

J’émets le bruit de quelqu’un qui pleure.

Quiconque est séparé d’une personne qu’il aime

comprend ce que je dis.

Quiconque est détaché d’une source

désire la retrouver… »

– Rumi

 

À bord du navire de Canada C3, nous voyageons avec une remarquable artiste conceptuelle, Soheila Esfahani. Elle a trouvé dans ce poème de l’inspiration et du réconfort lorsqu’elle avait la nostalgie de Téhéran, la ville où elle a grandi. À Halifax, par un matin radieux, nous nous sommes réunis dans un hangar et Soheila nous a expliqué comment son expérience d’immigration inspirait son travail. Elle explore les thèmes du mal du pays et de la traduction (d’un point de vue culturel et linguistique). Ses paroles ont constitué l’introduction parfaite à notre visite du Musée canadien de l’immigration du Quai 21.

Le Quai 21, à Halifax, était l’un des principaux ports accueillant les immigrants au pays. Il a été transformé en musée national, et l’on peut désormais y découvrir les histoires de personnes du monde entier qui sont venues au Canada et qui en ont fait leur foyer. L’expérience a été très instructive.

Oui, j’ai déjà subi du rejet; j’ai eu l’impression de ne pas être à ma place et j’ai vécu des déplacements. Mais il y a toujours une maison qui m’attend – un pays que j’adore et envers lequel j’éprouve un sentiment d’appartenance. La présentation de Soheila et les témoignages d’immigrants que j’ai lus et entendus au musée m’ont permis de mieux comprendre ce que ressentaient vraiment les gens soumis à des déplacements; le désir de se sentir à sa place et la joie suscitée par un nouveau départ, un geste d’ouverture ou un mot gentil.

Ce thème est exploité par l’installation de Soheila dans la galerie du musée. Elle a demandé à ses proches de lui donner des objets qui représentaient leur culture. Elle a reçu des dessins, des fleurs – et même l’étiquette d’une chemise de la marque H&M, fabriquée au Bangladesh! Les images de ces objets ont été imprimées en bleu sur des assiettes blanches, évoquant des pièces de collection et des souvenirs auxquels nous attachons des significations culturelles. C’était magnifique; je me suis demandé quelle relique j’aurais bien pu fournir à son exposition; quel élément, quel souvenir exprimait mon identité culturelle.

Un point fort de la visite a été le tour guidé par George, un octogénaire qui a quitté l’Écosse en 1951 et qui est entré au Canada par le Quai 21. Il s’agissait d’un témoignage de première main : en l’écoutant parler des personnes qui arrivaient avec des caisses pleines d’objets personnels, avec des valises ou sans bagages, nous avions l’impression de voyager dans le temps. Surtout lorsqu’il a nous raconté sa propre histoire et qu’il nous a montré les photos de son passeport au moment où il a débarqué au Canada.

Comme beaucoup de villes à travers le pays, ma ville natale, Saskatoon, a fait face à un afflux d’immigrants au cours de la dernière année. Réputés pour leur esprit d’entraide, les habitants de Saskatoon leur ont prêté assistance : en leur donnant des vêtements et de l’argent, par exemple. Mais cette visite m’a amenée à me demander ce que je pourrais faire de plus pour que les nouveaux arrivants de mon quartier se sentent bienvenus. Je suis d’avis que notre pays s’enrichit de la diversité des immigrants. Notre véritable défi n’est pas de favoriser la diversité, mais l’inclusion.