L’expérience de André Martel durant l’étape 2

Le chercheur scientifique André Martel, du Musée canadien de la nature, a pris part à la deuxième étape, de Montréal à Baie-Comeau, au Québec. Il connaît bien la région, où il a grandi et étudié. Il a passé ses journées à réaliser une foule d’activités scientifiques, avec pour toile de fond des paysages parmi les plus magnifiques au pays.

12 juin. Le port de Montréal : la science aux abords de la ville

Notre navire s’est ancré au port de Montréal pour quelques jours, afin de charger une cargaison et de donner aux participants le temps d’explorer la ville. Je me suis joint à l’équipe scientifique dirigée par Lyne Morissette pour prélever des échantillons en vue d’études sur l’ADN environnemental (ADNe). Cette étude a pour but de détecter l’ADN émis par les organismes vivants dans l’eau; de simples traces de cet ADN suffisent à identifier les diverses espèces qui occupent un secteur donné. Julien, l’adroit pilote de notre canot pneumatique, nous a amenés près de l’île Sainte-Hélène, le site d’Expo 67. Les échantillons seront traités dans le laboratoire portatif du navire, un espace conçu tout particulièrement pour les besoins scientifiques de cette expédition de 150 jours.

Sur la rive, nous avons aussi prélevé des échantillons de sédiments pour vérifier s’ils contiennent des microplastiques. Nous avons observé des contenants et fragments de plastique de toutes sortes, y compris beaucoup de bouteilles à eau vides et de mousse de polystyrène. De nos jours, malheureusement, ces déchets sont monnaie courante un peu partout sur la Terre.

Le navire a levé l’ancre en début de soirée. Avec Daniel Hatin, mon collègue scientifique de C3, nous avons observé les oiseaux près des îles de Boucherville. En cinq minutes à peine, nous avons vu de nombreuses espèces allant de l’Hirondelle de rivage aux cormorans, aux oies et aux canards. Nous avons fait route vers Trois-Rivières dans l’obscurité d’une chaude nuit.

16 juin. Grosse-Île et L’Islet : la science le long du fleuve Saint-Laurent

Nous avons quitté Québec tard dans la nuit et jeté l’ancre au petit matin près de Grosse-Île, un lieu historique national administré par Parcs Canada, où des milliers d’immigrants furent placés en quarantaine avant de pouvoir débarquer sur le continent. Après la visite, Sandra et moi avons collecté des matières plastiques sur une plage sablonneuse voisine. Même s’il n’y a sur l’île ni ville, ni restaurants, ni comptoirs d’aliments à emporter, nous n’avons eu aucune difficulté à collecter des macrodéchets et des fragments de plastique. Ces objets dérivent vers l’amont sur le Saint-Laurent jusqu’à Grosse-Île, rappelant amèrement le fait que les déchets ne disparaissent pas : ils aboutissent quelque part.

Après le dîner, le Polar Prince a fait route vers l’aval pour jeter l’ancre à environ deux kilomètres au large de la petite ville de L’Islet. Pendant que les participants se préparaient à assister à une réception au Musée maritime du Québec, Lyne et moi avons collecté d’autres échantillons d’ADNe. Nous avons eu du mal à extraire et préserver l’ADN contenu dans l’eau, à cause du limon fin et du plancton charriés par les eaux de ce tronçon du fleuve Saint-Laurent, où l’eau douce commence à se mélanger à l’eau salée.

Plus tard, j’ai rejoint les participants de C3 au Musée maritime, où la collectivité nous a tous surpris par ses adieux chaleureux et ses petits cadeaux. Nous avons beaucoup apprécié les vœux de « bon voyage » adressés à notre expédition par cette charmante collectivité du littoral.

En soirée, nous avons amorcé notre trajet vers le fjord du Saguenay. Tout le monde à bord affichait un enthousiasme évident, et pour cause : nous voguions vers le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, à la fois un des fjords les plus méridionaux au monde et un des meilleurs sites d’observation des baleines dans l’est du Canada.

17 juin. Le fjord du Saguenay : la science au cœur d’un paysage unique

Ce matin, alors que le navire s’engageait dans le fjord du Saguenay, nous avons vu de petits groupes de bélugas, dont des femelles accompagnées de leurs petits. Plusieurs participants observaient ces mammifères marins pour la première fois; certains en pleuraient de joie. Le navire a poursuivi sa route, frôlant parfois de très près les hautes falaises de granit qui bordent la rive sud du fjord. La plupart d’entre nous se sont attardés à la proue du navire, fascinés par ce spectaculaire décor géologique. Plus tard, près de Tadoussac, nous avons recueilli des échantillons d’eau pour en prélever l’ADNe et les microplastiques du rivage, pendant que le navire de Canada C3 sortait du fjord pour mettre le cap sur Les Escoumins.

18 juin. Les Escoumins : un accueil chaleureux et d’autres observations de baleines

Nous avons jeté l’ancre devant le village, puis les participants ont visité le centre communautaire de la Première Nation d’Essipit. Les chants et danses traditionnels ont été suivis de discours, d’un échange de cadeaux et d’une dégustation de thé du Labrador et de viande de caribou. Par la suite, Lyne Morissette et moi avons réalisé nos tâches scientifiques habituelles en prélevant des échantillons d’eau au large pour en préserver l’ADNe, ainsi que des échantillons de microplastiques et de macroplastiques sur une plage voisine. Pendant la journée, un grand nombre de bélugas et de petits rorquals étaient visibles des ponts supérieurs du navire.

20 juin. Baie-Comeau : la visite du Jardin des glaciers

Le dernier jour de la deuxième étape, les participants ont visité les collectivités des Premières Nations au nord de Baie-Comeau, puis le Jardin des glaciers, un centre d’interprétation de la nature axé sur les périodes glaciaires, la glaciation et les changements climatiques. (J’ai déjà fait des travaux de terrain près de ce secteur, dans un site unique où l’on peut étudier l’évolution qu’ont connue les mollusques du golfe du Saint-Laurent depuis 10 000 ans.) La journée s’est terminée par un souper d’adieu aux participants de la deuxième étape. Pour moi, à titre de chercheur et de biologiste de la vie aquatique, mon voyage avec l’expédition C3 s’est révélé une expérience fantastique, enrichissante et inoubliable.