Étape 11 : Regardez en bas, tout en bas… pour découvrir le monde éblouissant des lichens.

Par Paul Sokoloff, Musée canadien de la nature

Sur la côte continentale de l’Arctique occidental, les tons automnaux de rouge et d’orange embrasent la toundra. En cette saison des baies, tout le monde dans l’Arctique, y compris les participants de l’expédition C3, écartent les feuilles colorées à la recherche de petits fruits dodus.

Mais, au milieu du foisonnement de camarines, de bleuets, d’airelles et d’akpik (chicoutés), on découvre les doigts jaune pâle et les pointes blanches qui se dressent sur le sol entre branches et feuilles.

Ce sont des lichens, des organismes composés d’un assemblage de champignons et d’algues ou de cyanobactéries (que l’on appelait autrefois les algues bleu-vert). Les lichens exhibent une variété de formes d’une subtile beauté mais, surtout, ils jouent un rôle exceptionnel dans les écosystèmes terrestres au-dessus de la limite des arbres.

L’inventaire des lichens et des plantes tout au long du périple compte parmi les 20 projets de recherche scientifique de Canada C3. Au cours de cette 11e étape, nous avons fait comme tous les autres scientifiques et participants : nous avons collecté des spécimens pour constituer un registre botanique du voyage. Aidée des membres de l’expédition provenant de toutes les régions du Canada, l’équipe scientifique a extrait des plants rabougris de la toundra pour les presser, a ramassé des mottes de mousse de la taille de la paume de la main et a placé de délicats lichens dans des sacs de papier pour sécher.

Parmi nos découvertes lichénologiques, citons les espèces communes dans l’Arctique comme la thamnolie subulée (Thamnolia subuliformis), la flavocétraire nivéale (Flavocetraria nivalis), la vulcipide calcaire (Vulpicida juniperinus) ou la xanthorie élégante (Xanthoria elegans).

Mais il y a aussi des espèces moins souvent collectées : on a trouvé la dactyline rameuse (Dactylina ramulosa) à plusieurs escales, mais la découverte la plus exaltante a été le téloschiste arctique (Teloschistes arcticus). Au Canada, on avait jusqu’à présent recensé cette espèce rare uniquement dans la zone arctique des Territoires du Nord-Ouest, aussi a-t-on été ébahi de découvrir cette merveille aux accents orangés à 200 m de notre Zodiac alors que nous accostions à Wise Bay, au cap Parry.

Les spécimens collectés au cours du voyage C3 seront, bien entendu, déposés à l’Herbier national du Canada, aux collections du Musée canadien de la nature à Gatineau, Québec. Cela ne m’a toutefois pas empêché de déguster certaines de mes espèces préférées : Michele Genest, chef de cette étape, a déployé son talent et sa créativité hors du commun pour nous concocter un plat de phoque cuit à point accompagné de lichens frits. Un véritable délice!