Paulatuk et Barbuda

Par John Crump

 

À bord de quatre zodiacs, nous nous sommes dirigés vers Paulatuk. Nous avons traversé le brouillard matinal, naviguant sur une mer plate et couleur d’ardoise; petit à petit, le village est apparu, disposé le long d’une anse symétrique.

La veille, nous avions vogué sous le soleil radieux de Pearce Point Harbour; la mer verte coulait autour de nos kayaks translucides. Une grande arche formée d’anciens fonds marins s’élevait au-dessus de nous. Nous y engouffrions le nez de nos embarcations légères et passions de l’ombre à la lumière.

La journée s’est agréablement déroulée; nous avons visité Paulatuk, qui compte un peu plus de 300 habitants. C’est un hameau paisible situé sur la côte arctique des Territoires du Nord-Ouest, près de l’entrée ouest du passage du Nord-Ouest et du parc national Tuktut Nogait. Ce parc est l’un des plus éloignés au pays (jusqu’à maintenant pour l’année 2017, il n’a accueilli que quatre visiteurs de l’extérieur du territoire). Nous avons appris beaucoup de choses sur les Inuvialuits qui vivent à Paulatuk. Tandis que nous visitions les lieux avec les élèves de l’école locale et que nous en appréciions la tranquillité, un appel de détresse a été lancé pour signaler la disparition de deux personnes sur la rivière Hornaday. La rivière se trouvait à proximité, dans le parc Tuktut Nogait.

Plusieurs membres de l’équipe de Canada C3 sont passés à l’action, dont Jimmy Evalik et Roger Hitkolok, qui voyageaient avec nous. Ils sont respectivement originaires de Cambridge Bay et de Kuglutuk. Peu après, Canada C3 a aussi reçu un appel à l’aide de la base des Forces canadiennes Trenton, un centre de coordination des opérations de sauvetage situé à plusieurs milliers de kilomètres du village, près de la rive du lac Ontario. Trenton est responsable d’une vaste région qui comprend l’Arctique. L’appelant a été informé que Canada C3 « was on it », selon les mots de notre chef d’expédition, Geoff Green.

L’opération de recherche a permis d’identifier une femme qui frissonnait au bord de la rivière. Elle a été ramenée au village, mais son mari n’a pas été retrouvé.

Le soir, tandis que nous quittions Paulatuk, nous avons sobrement parlé de cette disparition. L’Arctique peut être impitoyable même pour ceux qui y vivent. La disparition d’un seul homme a bouleversé tous les membres de cette communauté soudée.

En consultant mes courriels, j’ai vu sur le Web quantité de messages, de publications, de récits sur les ouragans qui balayaient les Caraïbes. Une publication a retenu mon attention : elle annonçait la destruction presque totale de la petite île de Barbuda, où vivent 1 600 personnes. Environ 90 % des infrastructures avaient été anéanties. Une fillette de deux ans avait été tuée alors que sa mère tentait de la mettre à l’abri. Presque tout le monde se retrouvait sans logement.

Un lien m’attache à Barbuda. Il y a quelques années, mon organisme a travaillé avec l’école de l’île pour recueillir des récits et prendre des photographies sur le thème des changements climatiques. Lorsque l’ouragan Irma a frappé, ses vents de 300 kilomètres à l’heure y ont été les plus puissants jamais enregistrés. Bien que les ouragans ne soient pas inhabituels dans les Caraïbes, l’ampleur et la fréquence des tempêtes augmentent à cause de la hausse des températures de l’eau et d’autres éléments entraînés par les changements climatiques.

Canada C3 nous offre constamment l’occasion de réfléchir. Ce soir-là, j’ai pensé aux similitudes des deux tragédies – qui ne se sont pas produites à la même échelle ni dans les mêmes circonstances. Dans les petites communautés, les gens sont très liés entre eux : les tragédies – qu’elles soient plus ou moins importantes – touchent tout le monde. Paulatuk et Barbuda sont semblables de ce point de vue.