L’héritage botanique de Canada C3

Par: Paul Sokoloff

Vous savez le sentiment que vous ressentez quand vous recevez un colis que vous attendiez depuis longtemps ? Quand, après avoir vérifié pour la millième fois sur le site web de l’expéditeur (je l’avoue, la patience n’est pas ma plus grande qualité), l’état de votre paquet indique enfin « livré » ? Et bien, imaginez-vous recevoir quatre grosses caisses en bois remplies à ras bord de centaines de plantes, de lichens, d’algues et de champignons séchés. Seriez-vous enthousiasmés ? Effrayés ? Un peu des deux ?

Des 23 projets scientifiques faisant partie de l’expédition Canada C3, trois étaient menés par des chercheurs du Musée canadien de la nature, dont un qui a demandé aux chercheurs et aux participants d’explorer la toundra et les forêts canadiennes d’un océan à l’autre à la recherche de divers spécimens botaniques.

Le projet Plantes et lichens de l’Arctique canadien visait à collecter ces organismes photosynthétiques dans une foule de lieux le long du trajet (qui essentiellement a fait office de très long transect). L’entreprise nous a permis de prouver l’existence de ces plantes en 2017 dans ces régions. En ajoutant ces spécimens à l’Herbier national du Canada – la collection de plantes séchées et pressées du Musée, les botanistes de l’expédition ont contribué aux connaissances scientifiques actuelles en ce qui a trait aux plantes qui poussent le long du littoral nord de notre pays, à la fois dans des sites déjà étudiés et dans des endroits jamais herborisés.

Cornus canadensis

Vaccinium oxycoccus

Red Algae

Au cours de l’expédition, l’équipe a cueilli des plantes et lichens dans 57 sites en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve-et-Labrador, au Nunavut, aux Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, en Alaska et en Colombie-Britannique. Chaque fois qu’ils déterraient une plante ou échantillonnaient une touffe de lichen ou de mousse, les équipes d’excursionnistes notaient le lieu et l’habitat du prélèvement, les données récoltées et la personne responsable du prélèvement. Ces informations sont cruciales parce qu’elles nous permettent d’identifier chaque spécimen dans l’Herbier, et de les situer d’un point de vue spatio-temporel.

Une fois les échantillons et les données récoltés dans chaque lieu, nous embarquions sur nos Zodiacs et retournions au Laboratoire Bowhead, installé dans la proue du Polar Prince. C’est là, souvent jusqu’aux petites heures de la nuit, que l’équipe scientifique a fait sécher des lichens et les mousses dans des sacs de papier ou a aplati les plantes et les algues dans de grandes presses. À la fin de l’étape 15, ce sont plus de 831 plantes vasculaires, 181 mousses, 243 lichens, 27 algues et 10 champignons que nous avons livrés à Ottawa dans ces quatre caisses en bois.

Depuis, nous avons identifié un peu moins de la moitié de spécimens (48 % pour être exact), et les découvertes que nous avons faites sont réjouissantes ! Parmi nos bons coups, nous comptons un échantillon de Juniperus maritima, un type de genévrier très rare dans le monde que l’on ne trouve au Canada que dans la partie inférieure des îles Gulf, en Colombie-Britannique. C’est Roger Bull, chercheur du Musée canadien de la nature qu’il l’a échantillonné pendant l’étape 15. À l’étape 11, j’ai moi-même récolté une espèce rare de lichen arctique orangé appelé Teloschistes arcticus, dont j’ai déjà parlé dans un autre billet.

Nul doute que nous continuerons à faire des trouvailles intéressantes et à étendre nos connaissances scientifiques à mesure que nous identifierons d’autres spécimens. L’incroyable héritage botanique issu de ce voyage épique, à n’en pas douter, servira à de nombreux autres projets de recherche dans les siècles à venir.